Souriez, vous êtes filmés !
Ainsi donc la nouvelle municipalité s’apprête à mettre en place un système
de vidéosurveillance sur la ville : marotte obsessionnelle qui, depuis des années,
revenait dans le programme de l’ancienne opposition. A l’heure où des associations
voient leurs subventions en baisse, en particulier Les Restos du Coeur (et c’est tout
un symbole !), la ville a prévu de dépenser 150 000 € sur le sujet (étude et installation).
Une histoire de gros sous
Dans un climat économique morose, les sociétés spécialisées de ce secteur connaissent
une santé florissante : « Entre 1996 et 2006, le chiffre d’affaires du secteur a progressé
de 111 %, passant de 360 millions à plus de 750 millions d’euros (Haas 2008) ». (1)
Plus récemment le site proxydion.fr estimait que « le marché de la vidéosurveillance
est en pleine expansion en France et pèse près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires
en 2009, après avoir quasiment doublé depuis 2000 ».(2) Dans un tel contexte et
au regard des sommes en jeu, on peut raisonnablement estimer que ces sociétés de
vidéosurveillance cherchent un alibi pour continuer à prospérer sur un marché si
rémunérateur.
Et pour cela, susciter ou laisser penser qu’un sentiment d’insécurité prévaut dans tout
le pays, donc dans chaque commune et ce, avec l’appui d’équipes municipales acquises,
souvent par idéologie, à ces pratiques.
Vous avez dit insécurité ?
Personne ne conteste le droit à la sécurité des personnes et des biens et ce, dans tous
les domaines. Toutefois un regard sur les statistiques spécifiques au département de l’Ain
en matière de délinquance permet de se faire une idée (il n’existe pas de statistiques
spécifiques pour Trévoux) (3)
Alors certes, un vol ou un cambriolage est un de trop, et personne n’ignore le traumatisme
que cela peut générer chez certaines personnes. Mais sur quelle étude se fonde la nouvelle
municipalité pour sa politique sécuritaire et pour dépenser de telles sommes ?
Plutôt que prétendre lutter contre la délinquance, on nous propose alors de
« lutter contre le sentiment d’insécurité ». On nous déclare aussi que l’installation de ces
caméras permettrait de « réduire le coût des dégradations pour la commune ».
Mais quelles sont donc ces dégradations qui justifieraient un investissement de 150 000 € ?
On peut aussi s’interroger sur la pertinence d’un tel investissement pour un dispositif
décrit comme « évolutif » et qui risque, au fil des ans, de s’étendre et d’alourdir la facture.
Et on ne sait encore rien des frais de maintenance annuels de ce système.
De quelle délinquance parle-t-on ?
Si à Trévoux, il n’y a pas de délinquance locale à proprement parler ni rien de comparable
à d’autres cités des environs, il faut bien agiter un « sentiment d’insécurité » pour avoir l’air
de répondre à une « préoccupation des habitants ». Préoccupation qui s’est manifestée
comment ? On ne sait pas. Si on se réfère à la faible présence à la salle des fêtes lors de
la présentation des citoyens-vigilants, on peut constater que ce thème ne déplace pas les
foules. Par ailleurs ce « sentiment d’insécurité » présenté comme une évidence incontestable
est pour le moins un phénomène insaisissable qui varie selon différents facteurs et selon
les individus : l’âge, l’expérience et le vécu de chacun… Or, on tente de nous faire croire
qu’il s’agirait d’une vérité intangible partagée par tous les habitants de la commune de la
maternelle à la maison de retraite. Il est des délits, comme la fraude fiscale, le travail
dissimulé (non déclaré) entre autres, qui coûtent plus cher à la société et qui ne sont
que rarement mis en avant dans la lutte contre la délinquance. Ils sont moins générateurs
d’anxiété et donc peu susceptibles de provoquer des investissements disproportionnés
prétendument sécuritaires. La vidéosurveillance peut être efficace si un opérateur suit
en direct les enregistrements et s’il est en mesure de faire intervenir immédiatement
des services compétents. Ce qui ne semble pas être le cas.
Quelle est l’efficacité de la vidéo-surveillance ?
Contrairement à ce que d’aucun affirme à la mairie “la tendance” ne va pas “d’une manière
générale vers l’augmentation du nombre de caméras implantées”. Depuis plusieurs années,
c’est la question que se posent de nombreux observateurs ainsi que des responsables de l’Etat.
Deux rapports existent à ce sujet :
- • un rapport du sénat datant de novembre 2011 (4) qui note une absence d’efficacité
pour faire baisser la délinquance sur la voie publique et des résultats mitigés en matière
d’élucidation d’affaires. - • un rapport de la cour des comptes datant de juillet 2011 (5) qui souligne l’absence
de réelles données fiables venant démontrer l’efficacité des dispositifs de vidéosurveillance
en milieu urbain. Ce rapport souligne que la France se caractérise par la quasi-absence
d’enquête scientifique sur le sujet.
Alors que certaines villes reviennent en arrière sur ce style de dispositif onéreux,
la nouvelle équipe municipale, avec un sens de l’à-propos ébouriffant, saute à pieds
joints dans ce système dispendieux.
On aurait été en droit d’avoir une vraie étude pour cerner la réalité de la
délinquance et de l’incivilité (ou ce qui en tient lieu) dans la cité ; au lieu de ça,
on assiste à la mise en place d’un système de videosurveillance coûteux et dépassé.
A la place de la réflexion : la démagogie sécuritaire. Lors de la campagne, la liste
Vivre Trévoux autrement s’était engagée à animer des comités de quartiers qui
seraient consultés sur les projets importants. Une promesse déjà oubliée ? D. Foulon
(1) in idéosurveillance ou vidéo protection p. 8 ouvrage collectif éditions Le Muscadier juin 2012
(2) http://www.proxydion.fr/allNews_fichiers/Marche%20videoprotection.pdf
(3) http://www.ville-data.com/delinquance/Trevoux-1-01427
(4) http://www.senat.fr/rap/a11-112-19/a11-112-196.html
(5) disponible sur le site de la documentationfrancaise.fr